Les Dendrobatidae ou dendrobates sont une famille d’amphibiens. Ce sont des grenouilles colorées, diurnes et toxiques. Il en existe plus d’une centaine d’espèces. Très recherchées par les collectionneurs privés, plusieurs sont menacées d’extinction. C’est le cas de la grenouille vénéneuse de Lehman (Oophaga lehmanni). Endémique aux forêts tropicales de la Colombie, elle est classée “en danger critique d’extinction” par l’Union Internationale de la Conservation et la Nature (UICN). Le trafic illégal et la perte de son habitat en sont les principales raisons.
Grenouille vénéneuse de Lehman (Oophaga lehmanni) en milieu naturel ©Cristian Gonzalez Acosta
Un mode de vie particulier
La grenouille vénéneuse de Lehman est de taille moyenne, 31 à 36 mm de longueur. Terrestre, elle peut toutefois trouver refuge en hauteur. On ne la recense que dans les départements de la Valle del Cauca, le Choco et la Risaralda, entre 600 et 1300 mètres d’altitude. Il existe 3 morphes différents, rouge, orange et jaune sur un fond brun foncé ou noir. Chaque grenouille possède des motifs uniques, souvent symétriques. Elle semble très similaire à la grenouille vénéneuse arlequin (Oophaga histrionica), bien que certains auteurs les considèrent comme une seule et même espèce, des études acoustiques démontrent le contraire. Les 2 espèces s’hybrident dans les zones de rencontre.
Il existe un léger dimorphisme sexuel, le mâle possède un sac vocal plus important. Pour donner naissance, le couple trouve refuge dans les plantes de la famille Bromeliaceae. Le mâle féconde principalement 5 œufs pondus par la femelle. Les têtards étant cannibales, le mâle les emmène dans des lieux différents. Ils sont nourris avec des œufs non fécondés, c’est la traduction grec du genre Oophaga (mangeur d’oeuf). La forme adulte est atteinte entre 2 et 3 mois.
Un habitat fragile
Endémique aux Andes colombiennes tropicales, cette région est également appelée forêt de nuages. Comme décrit il y a quelque temps (ici), l’écosystème de ces forêts est très fragile. La sécheresse et des nuages plus hauts menacent leur équilibre.
L’exploitation forestière illégale et la fragmentation de l’habitat affectent fortement les populations de grenouilles. En 2019, 159 000 hectares de forêts ont été déboisés rien qu’en Colombie !
Une espèce très prisée
De nombreuses espèces de dendrobates sont aujourd’hui sur le marché. D’une façon légale, de nombreuses espèces faisant partie des nouveaux animaux de compagnie (NAC) se trouvent dans les animaleries. Les individus sont capturés dans la nature mais d’une façon légale, c’est le cas des Phelsuma à Madagascar. Il existe aussi des espèces qui se reproduisent très bien et captivité, il n’y a alors plus besoin d’importations, par exemple les dragons barbus (Pogona vitticeps). Enfin, dans le cadre de la grenouille vénéneuse de Lehman, c'est le trafic illégal qui fragilise l’espèce. Valant 1500$, il est évident qu’elle attire les convoitises des trafiquants qui en prélèvent par milliers. L’espèce bien que classée en danger critique d'extinction n'est inscrite qu’à l’annexe II de la CITES ! Il s’agit en général d’espèces “vulnérables” qui pourraient être menacées à terme.
Ce trafic réduit fortement les populations mais aussi la variabilité génétique. Malheureusement cela ne semble pas prêt de s'arrêter, l’UICN estime que l’offre est inférieure à la demande. En 2006, 20 grenouilles sont saisies et en 2018, 50 sont sauvées à l’aéroport de Bogota à destination de l’Allemagne. Les populations de grenouilles vénéneuses de Lehman ont chuté de 80% en 10 ans.
Grenouille vénéneuse de Lehman (Oophaga lehmanni) en milieu naturel ©Roger Franco Molina
Des méthodes de conservation qui peuvent diviser
Près de 700 espèces d’amphibiens sont présentes en Colombie, deuxième pays après le Brésil. 63% de ces espèces endémiques, ne vivent qu’en Colombie.
Une ferme d'élevage, Tesoros de Colombia, est créée par Ivan Coziano. Son but ? Reproduire des grenouilles menacées pour les vendre ensuite de façon légale et ainsi casser les prix pratiqués par les trafiquants. Étonnante voire méprisable au premier abord, cette pratique est pourtant préconisée par l’UICN pour lutter contre le trafic et stopper le prélèvement en milieu naturel. L’organisation recommande également d'inscrire l’espèce à l’Annexe I de la CITES et de mieux contrôler son exploitation.
La grenouille vénéneuse de Lehman est très peu présente dans les institutions zoologiques. Le Zoo de Cali en Colombie a récemment rédigé un Studbook pour garder une population captive viable. De plus, de nombreux particuliers les ont croisés avec des grenouilles vénéneuse arlequin (Oophaga histrionica), bien que l’hybridation soit possible en milieu naturel.
Références :
Vargas-Salinas F, Amézquita A (2013) Stream Noise, Hybridization, and Uncoupled Evolution of Call Traits in Two Lineages of Poison Frogs: Oophaga histrionica and Oophaga lehmanni. PLoS ONE 8(10): e77545. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0077545
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