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  • Photo du rédacteurThibaut Pilatte

Les dauphins d'eau douce d'Amérique du Sud sont-ils condamnés ?


Dauphins rose de l’Amazone (Inia geoffrensis)

Dauphins rose de l’Amazone (Inia geoffrensis) ©Kevin Schafer


Plusieurs espèces


Il existe plusieurs espèces de dauphins d’eau douce en Amérique du Sud. Le dauphin rose de l’Amazone (Inia geoffrensis) et le tucuxi (Sotalia fluviatilis), également appelé dauphin de l’Orénoque. On peut également rajouter son cousin, le dauphin de Guyane (Sotalia guianensis) qui se retrouve parfois en eau douce notamment à l’embouchure du fleuve Amazone.

La taxonomie du dauphin rose de l’Amazone (Inia geoffrensis) ne fait pas consensus. Certains auteurs reconnaissent le dauphin bolivien (Inia boliviensis) et le dauphin du fleuve Araguaia (Inia araguaiaensis) comme espèces à part entière. Pour cet article nous utiliserons la classification proposée dans le premier paragraphe.

Chez le dauphin rose de l’Amazone (Inia geoffrensis), le mâle est plus imposant, il mesure en moyenne 2,32 m pour 154 kg en moyenne. Le dimorphisme sexuel est moins marqué chez son cousin, le tucuxi (Sotalia fluviatilis). Il est aussi plus petit et plus léger avec 1,52 m de longueur et 55 kg en moyenne.

Le nom dauphin rose vient de la couleur que peuvent avoir certains individus. La raison n’est pas encore scientifiquement claire. Il est prouvé que les adultes et notamment les mâles sont davantage rosés. La température et la répartition géographique sont aussi d’autres facteurs. C’est un animal plutôt solitaire. Il peut rejoindre son cousin, le tucuxi ou un groupe de loutres géantes (Pteronura brasiliensis) pour trouver du poisson. Il est également capable de chasser des crabes ou encore des tortues dans les mangroves assez profondes.



Tucuxi (Sotalia fluviatilis)

Tucuxi (Sotalia fluviatilis) ©Leonardo Merçon



De nombreuses menaces qui pèsent


Malheureusement, ces 2 espèces de dauphins sont aujourd’hui menacées. Les populations ne cessent de chuter. Une étude au Brésil évoque une baisse de 50% de dauphin rose de l'Amazone chaque décennie. Les menaces sont nombreuses. L’extraction de matières premières comme le pétrole ou l’or empoisonne les dauphins au mercure. Au Brésil, les dauphins sont pêchés illégalement. Leur graisse est utilisée pour appâter un autre poisson, le piracatinga (Calophysus macropterus). Il s’agit d’un gros poisson-chat dont le mets est réputé.

L’habitat des dauphins se retrouve fragmenté par les infrastructures humaines notamment les barrages. La surpêche, le dérangement ainsi que la pollution de l’eau menacent encore un peu plus l’avenir des dauphins. Certains pêcheurs les accusent de concurrence et n'hésitent pas à les tuer ou à les empoisonner.

Le dauphin rose de l’Amazone a une gestation de 13 mois. La femelle élève son petit pendant 2 ans. Ce qui fait qu’elle ne se reproduit que tous les 3 à 5 ans. Le taux de renouvellement de population est donc très lent et fragilise sa situation.

Les 2 espèces de dauphins sont classées “en danger” sur la liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature.


Dauphins rose de l’Amazone (Inia geoffrensis)

Dauphins rose de l’Amazone (Inia geoffrensis) ©Mamíferos de Colombia



Des mesures de conservation mises en place


Il est difficile d'estimer les populations de ces espèces. Les observations et recensements sont compliqués par l’eau trouble et boueuse, lieu de vie de ces dauphins. Le WWF utilise des drones pour les comptages mais la situation reste encore floue.

En 2015, le gouvernement de Dilma Rousseff annonce un moratoire de 5 ans sur la pêche de piracatingas. Espèce qui, on le rappelle, était appâtée avec de la chair de dauphin. En 2020, sous le gouvernement Bolsonaro, le moratoire n’est pas reconduit. Le média Mongabay publie alors un article et quelques temps après, la situation change comme par miracle. Le moratoire est prolongé pour un an puis jusqu’en 2023. Une pétition brésilienne est déjà en ligne pour son extension.

Un plan national d’action a été mis en place au Brésil pour sauver ces espèces de l’extinction. La Bolivie, l’Equateur, la Colombie, le Pérou ainsi que le Venezuela ont suivi l’exemple.

Il est préconisé de mettre en valeur la biodiversité en développant l’écotourisme. Cela permet de préserver la faune et la flore tout en apportant un revenu économique aux populations autochtones. C’est le cas de la réserve Cuyabeno en Equateur où on peut observer des dauphins ainsi que bon nombre d’autres espèces. Une infime partie du fleuve est navigable et le nombre de touristes est contrôlé. Malgré tout, le dérangement et la pollution sont encore présents bien que plus faibles.


Dauphin du fleuve Yangtsé (Lipotes vexillifer)

Dauphin du fleuve Yangtsé (Lipotes vexillifer) abattu en 1914



Le triste cas du dauphin du fleuve Yangtsé en Chine


Les scientifiques redoutent que le cas du dauphin du fleuve Yangtsé (Lipotes vexillifer) se reproduise. Ce dauphin chinois, autrefois vénéré comme un dieu, a vu ses populations baisser drastiquement au XXème siècle. En cause, la surpêche, la pêche illégale, la présence de porte-conteneurs ainsi que de hors-bords. Selon une étude, les activités humaines ont causé la mort de 90% des dauphins du fleuve. Le fleuve Yangtsé, troisième plus long fleuve au monde avec 6 380 km de longueur, est devenu une autoroute fluviale. La région du fleuve accueille 10% de la population mondiale !

Un dauphin est capturé accidentellement en 1980 par des pêcheurs. Il est le seul membre de son espèce en captivité jusqu’à sa mort en 2002. Un projet de capturer les survivants et de lancer un élevage conservatoire dans des conditions de semi-libertés était mis en place mais rapidement les expéditions sont un échec. Les dauphins sont difficiles à localiser et à capturer. En 2007, face à l’absence d'observations confirmées, l’espèce est malheureusement déclarée éteinte bien que certains doutes subsistent encore.

Bon nombre d’espèces originaires de ce fleuve sont aujourd’hui menacées. C’est le cas du marsouin aptère (Neophocaena phocaenoides asiaeorientalis), classé aujourd'hui “en danger critique d’extinction”. Bien qu’il soit difficile d’estimer les populations, il y aurait entre 500 et 1800 marsouins adultes selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature. L’espèce est protégée et le gouvernement chinois lui a donné le plus haut statut de protection pour éviter que le scénario de son cousin ne se répète.

D’autres espèces emblématiques du fleuve Yangtsé :

  • l’espadon de Chine (Psephurus gladius), déclaré éteint en 2020

  • l’alligator de chine (Alligator sinensis), classé “en danger critique d’extinction”

  • la tortue à carapace molle de Swinhoe (Rafetus swinhoei) classée “en danger critique d’extinction”



Références :



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