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  • Photo du rédacteurThibaut Pilatte

Un primate méconnu et menacé, le muriqui


(Brachyteles hypoxanthus)

Muriqui du Nord (Brachyteles hypoxanthus) ©Peter Schoen



Le muriqui est un primate d’Amérique du Sud, endémique des forêts humides de l’Est du Brésil : le Mata Atlantica. Longtemps considérée comme une seule espèce divisée en 2 sous-espèces, le muriqui est désormais divisé en 2 espèces distinctes. Le muriqui du Nord (Brachyteles hypoxanthus) se différencie par une face noire mouchetée de rose, alors que le muriqui du Sud (Brachyeteles arachnoides) arbore une face totalement noire. Aujourd’hui, les 2 espèces sont classées “en danger critique d’extinction” par l’UICN. Si leurs populations augmentent lentement, le niveau de menace reste élevé et les pouvoirs politiques brésiliens actuels ne poussent pas à l’optimisme.


  1. Muriqui du Sud (Brachyeteles arachnoides) B) muriqui du Nord (Brachyteles hypoxanthus) ©Steven Nash



Comportement


Le muriqui est un primate grégaire et vit en groupe dans la canopée. Le muriqui du Sud (Brachyeteles arachnoides) vit dans des forêts de moyenne altitude, de 400 à 1880 mètres. Le muriqui du Nord (Brachyteles hypoxanthus) occupe les plaines forestières, le long de la côte.

C’est un animal encore méconnu, toutefois, selon certaines études, il semblerait que le muriqui est très paisible, sans conflit. Membre de la sous-famille Atelinae, il est proche physiquement de ses cousins les atèles (spider monkey en anglais) et les singes laineux (woolly monkey). Son nom en anglais atteste de cette ressemblance étonnante (woolly spider monkey). Caractéristique des atelidae, le muriqui partage avec les atèles, les singes hurleurs et les singes laineux une queue préhensile qu’il utilise comme un 5ème membre.

Principalement folivore, il participe à la dissémination des graines à travers sa digestion à l'instar de tous les primates d’Amérique du Sud et joue un rôle écologique important. Selon certaines études, il se nourrit de plantes médicinales et l'utilisation de ces dernières chez le muriqui à des fins thérapeutiques a été prouvée. Leur alimentation est ainsi étudiée pour faire progresser la médecine. Des études similaires ont lieu avec les chimpanzés (Pan troglodytes), menées par Sabrina Krief (Chimpanzés, mes frères de la forêt).


Aire de répartition des muriquis ©données UICN



Menaces


Si les populations semblent remonter lentement, le nombre d’individus reste faible. Il y aurait 1 100 à 1 200 muriquis du Sud (Brachyeteles arachnoides) et moins de 1 000 muriquis du Nord (Brachyteles hypoxanthus) selon l’UICN. Les raisons sont multiples. La déforestation, l’urbanisation, le développement de l’agriculture et de l’élevage et les activités humaines ont réduit son habitat. Selon Aguirre (1971), sur une aire d’occupation originale d’environ 340 000 km2, et seulement 20 000 km2 seraient encore occupés par le muriqui du Sud (Brachyeteles arachnoides) selon Ingberman (2016). Soit une baisse de 96% !

Avec des données similaire et les ouvrages des mêmes auteurs, on a connaissance d'une réduction de 95% pour le muriqui du Nord (Brachyteles hypoxanthus). Selon une étude, le muriqui, essentiellement arboricole, se déplace de plus en plus souvent au sol du fait de la transformation de son habitat. Le risque de prédation est bien sûr plus important.

La chasse reste une pression constante sur l’espèce y compris dans les zones protégées. L’espèce est également persécutée par les communautés locales pour sa viande.

Un faible taux de reproduction et une mortalité infantile élevée rendent compliquée l'éventuelle augmentation du nombre d’individus. Certaines populations souffrent de fragmentation et de bottlenecks (goulet d’étranglement génétique), tandis que certaines se sont même éteintes.


Muriqui du Sud (Brachyeteles arachnoides)

Muriqui du Sud (Brachyeteles arachnoides) ©Miguelrangeljr



Conservation


Plusieurs actions de conservation se sont mises en place depuis quelques années. En 2000 l’Associação Pro-muriqui est créée. Elle mène des recherches scientifiques autour de Sao Paulo. En 2002, le Ministère de l’environnement brésilien (IBAMA) instaure un comité de gestion pour la protection des 2 espèces de muriquis. En 2011, L'institut Chico Mendes de conservation de la biodiversité (ICM BIO) publie un plan d’action local pour le muriqui.

Une scientifique, Karin Strier, mène un travail de longue haleine depuis plusieurs années, en étudiant les muriquis au sein de la station biologique de Caratinga. Son travail a permis de voir la population locale de muriquis du Nord (Brachyteles hypoxanthus) passer d’un minimum de 22 individus à un maximum de 354.

Ce primate souffre d’un manque de popularité. Plusieurs actions ont pourtant vu le jour : édition d’un timbre représentant le muriqui ou encore création de la mascotte des JO 2016 à son effigie (échec). Certains scientifiques préconisent un renforcement des programmes de sensibilisation et d’éducation.

Des projets de translocations pour reconnecter les populations et lutter contre leur isolement sont également évoqués.

En ce qui concerne la conservation ex-situ, c’est un sujet délicat. Le centre de primatologie de Rio de Janeiro gère un petit programme de reproduction en captivité et accueille des individus avec les zoos de Curitaba et de Sorocaba. Toutefois, les résultats ne sont pas au rendez-vous et les populations se sont renforcées seulement par l’arrivée d’orphelins dont la mère a été braconnée. Bien que la création d’une population "de secours" en captivité soit recommandée, la plus-value conservatoire de ce programme reste à prouver.



Références:

UICN



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