Caméléon de Parson (Calumma parsonii) ©Paulo Paixão
Etat des lieux
Le caméléon est un animal qui fascine à travers le monde entier. Il peut bouger ses yeux indépendamment l’un de l’autre et déployer sa langue à une vitesse impressionnante. Il peut également changer de couleur en fonction de son humeur, de son niveau de stress, de son
statut social (dominant/dominé) et de son état biologique (en période de reproduction ou non). En France et dans le reste du monde, le Caméléon panthère (Furcifer pardalis) est, avec le Caméléon casqué du Yémen (Chamaeleo calyptratus), l’espèce la plus représentent qu’une fraction infime de la diversité des caméléons qui regroupent plus de 200 espèces.
La quasi-totalité de ces espèces vit en Afrique Continentale et à Madagascar. Ces animaux possèdent un fort endémisme. C'est-à-dire qu’ils vivent uniquement dans une région propre et leur situation est donc beaucoup plus fragile. La déforestation, la transformation de leur habitat, le trafic illégal ainsi que le réchauffement climatique sont les plus grandes menaces pour les caméléons. 18% des reptiles sont menacés mais ce chiffre grimpe à 38% pour les caméléons !
Création d’un programme de conservation
D’une manière générale, la conservation des caméléons ne focalise pas beaucoup
l’attention. Celle-ci passe essentiellement par la mise en place d’aires protégées ou encore par la réduction des menaces (coupe illégale de bois, activités minières etc…). C’est en fait surtout la protection d’espèces emblématiques vivant dans les mêmes lieux que les caméléons (appelée espèces parapluies) qui bénéficiait aux caméléons comme à Madagascar avec les lémuriens.
C’est dans ce contexte qu’est créée en Suisse l’association Caméléon Center Conservation (CCC) par Sébastien Métrailler qui possède une longue expérience en termes de gestion de projet et de conservation animale, notamment auprès de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Pour mener à bien son projet il s’entoure d’Olivier Marquis, biologiste, curateur des reptiles et amphibiens au Parc Zoologique de Paris expérimenté en termes de conduite de projet de recherche et de conservation qui supervise scientifiquement les projets du CCC et de Rayane Vuillemin, chargé de mission et passionné de photographie animalière. L’association développe des projets aussi bien en matière de conservation in-situ (dans le milieu naturel) que ex-situ (en captivité).
Prise de mesure sur un caméléon de Parson (Calumma parsonii) ©Day Nabih
Inventaire de caméléons à la Réserve de Vohimana à Madagascar
Située à l’Est de l’Ile, cette réserve de 2 000 hectares de forêts dont 500 de forêts primaires est un véritable hotspot de biodiversité. 12 espèces de caméléons ont été recensées mais leur présence, leur abondance et leur distribution reste à confirmer. Le caractère discret de ces animaux fait que beaucoup de zones d’ombres planent encore sur ces espèces, en particulier en termes de description de potentielles nouvelles espèces. Jusqu’à présent aucune étude herpétologique n’avait été menée sur cette thématique dans la réserve. C’est dans ce contexte que ce projet d’inventaire a été développé sur la période 2023-2024. Cette étude pilote vise à recenser un maximum d’individus durant la saison d’activité des caméléons afin de préciser la diversité, des espèces, leur répartition, leur abondance et les caractéristiques de leur environnement de prédilection. Toutefois, ce n’est pas le seul objectif du CCC dans cette réserve. Le socle de connaissances ainsi obtenu va permettre le développement de nombreuses autres thématiques de recherche sur l’écologie, la biologie et la conservation de ces caméléons. Les adaptation anatomiques et comportementales à leur environnement, la détermination des espèces ou encore l’évolution des populations face au réchauffement climatiques sont les thèmes centraux. De quoi en savoir un peu plus sur ces animaux fascinants et leur devenir.
Partie des installations intérieurs et extérieurs pour élevage ex-situ Trioceros ©Caméléon Center Conservation
Programme d’élevage ex-situ
Le CCC est à l’initiative de la mise en place d’un programme d’élevage ex-situ. Il possède un centre d’élevage en Suisse avec de nombreux spécimens dont certaines espèces sont menacées. On retrouve 2 sous-espèces du caméléon de Jackson (Trioceros jacksonii jacksonii et Trioceros jacksonii xantholophus), le caméléon nain d’Afrique du Sud (Bradypodion thamnobates) classé en danger, ainsi que le caméléon de Parson (Calumma parsonii) classé quasi-menacé. Ce dernier est le plus grand caméléon du monde (il peut dépasser les 70 cm). Le maintien en captivité des caméléons et la maîtrise de leur reproduction peut nécessiter une grande technicité. Par exemple, l’incubation des œufs du caméléon de Parson (Calumma parsonii) nécessite un contrôle précis et une variation saisonnière des températures d’incubation, celle-ci pouvant dépasser 500 jours ! Autre exemple, le maintien en captivité des espèces de caméléon de montagne comme les Trioceros nécessite un contrôle précis de la température, de l’hygrométrie et de la lumière afin de garantir leur survie. Cette technicité est maîtrisée et développée au sein de la structure d’élevage du CCC.
L’objectif de CCC est d’initier un effort collaboratif de maintien en captivité de populations stables et durables d’espèces de caméléons bénéficiant à leur étude et à la conservation. Ainsi des actions collaboratives ont déjà été initiées avec des acteurs du milieu des parcs zoologiques et d’autres sont en cours d’élaboration en France et en Suisse.
Enfin, l’association collabore également avec des éleveurs privés. Ils ont également un rôle à jouer dans la sauvegarde de ces espèces. Un triangle vertueux entre les parcs zoologiques, le Caméléon Center Conservation et les éleveurs pourrait permettre de créer une vraie dynamique éthique et vertueuse dans l’établissement de populations captives de sauvegarde de certaines espèces sensibles.
Caméléon nain d’Afrique du Sud (Bradypodion thamnobates) ©Gus Benson
Une étude en captivité
Le CCC travaille actuellement à l’élaboration d’une étude sur la thermo-hydrorégulation des caméléons de Jackson (Trioceros jacksonii) en collaboration avec des biologistes. En effet, comme tous les reptiles, les caméléons ont besoin de réguler leur température et l’humidité de leur corps. Or les espèces de caméléons de montagne ont besoin de se réchauffer au soleil sans pour autant se déshydrater. La compréhension des mécanismes biologiques et comportementaux leur permettant de trouver le bon compromis pour augmenter leur température interne sans pour autant perdre trop d’eau d’en un environnement où l’eau liquide est parfois une denrée rare permettra d’optimiser les conditions d’élevage et individus captifs et de mieux comprendre les conséquences possibles du réchauffement climatique sur ces espèces.
Trioceros jacksonii xantholophus ©Rayane Vuillemin
Pédagogie
Le Caméléon Center Conservation mise également sur la pédagogie pour faire connaître les caméléons. Des légendes urbaines comme le fait qu’ils changent de couleur en fonction de leur environnement circulent à leur sujet. C’est pourquoi le CCC compte mettre en place une exposition sur ces reptiles ainsi que sur les enjeux de leur conservation qui les concernent. Autre projet, CCC travaille au développement d’une banque d’images de caméléons afin de proposer un inventaire photographique des espèces. L’objectif final de ce projet est de proposer la documentation photographique de la totalité des espèces de caméléons.
Un grand merci à Sébastien Métrailler et au Caméléon Center Conservation dans son ensemble pour les échanges et leur disponibilité!
Références :
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