
Tigre sauvage (Panthera tigris) à la Réserve de Rathambore en Inde ©Sophia Spurgin
Commençons par un bref état des lieux.
A l’heure actuelle, il existe 6 sous-espèces de tigres, toutes localisées en Asie. Chacune d’entre elles est malheureusement menacée d’extinction : selon la Liste Rouge de l’IUCN, elles sont toutes classées entre « en danger » et « en danger critique » d’extinction.
La sous-espèce la plus menacée est le tigre de Chine méridionale (Panthera tigris amoyensis). En effet, la population sauvage est totalement inconnue, à tel point que l’on soupçonne l’espèce d’avoir disparu à l’état sauvage, car aucun individu n’a été observé depuis les années 2010. A la seconde place de ce triste classement, on retrouve le tigre de Malaisie (Panthera tigris jacksoni), dont il ne reste qu’entre 80 et 120 individus à l’état sauvage. On croyait d’abord que cette espèce était une population excentrée du tigre d’Indochine (Panthera tigris corbetti), dont il ne reste qu’une poignée d’individus (environ 600). Ce n’est qu’après une étude ADN en 2004 que le tigre de Malaisie à été reconnu comme tel. A peine étudié, déjà menacé.
Parlons à présent du tigre de Sumatra (Panthera tigris sumatrae), qui est d’ailleurs la plus petite sous-espèce de tigre. Avec une population sauvage estimée à 400 individus, c’est le tigre le plus exposé à la menace qu’engendre la production d’huile de palme, au même titre que les orangs-outans ou le reste de la faune de l’Île.
Le tigre de l’Amour (Panthera tigris altaica), anciennement nommé tigre de Sibérie, est une des sous-espèces de tigres avec la population sauvage la plus nombreuse, mais qui s’élève seulement à 450 individus. Les populations sauvages de cette sous-espèce sont particulièrement fractionnées.
Pour finir, il ne reste plus que 1 850 tigres du Bengale (Panthera tigris tigris) sauvages, qui sont également les tigres les plus connus dans notre culture.

Tigre d’Indochine (Panthera tigris corbetti) à reserve de kaziranga en Inde ©Rahul Kushboo
Ces 6 sous-espèces sont encore en sursis, 3 autres n’ont pas eu cette chance.
En effet, jusqu’à il y a 90 ans, il existait au total 9 sous-espèces de tigres. 3 d’entre elles se sont malheureusement éteintes entre les années 1930 et les années 1980…
La première d’entre elles s’est éteinte à cause d’une succession d’intrusions humaines : Déforestation, chasse pour la protection des troupeaux, braconnage pour alimenter le marché noir, les cirques ou encore dans la quête du faire-valoir le plus impressionnant des puissants de l’époque. Tout ceci a eu raison du tigre de Bali (Panthera tigris balica). A peine découvert en 1912, il s’est définitivement éteint 25 ans après, en 1937. Le dernier survivant des tigres de Bali fût tué le 27 septembre 1937, c’était une femelle et elle fut abattue dans l’Ouest de l’Île lors d’une partie de chasse.
La seconde espèce a avoir disparu, et sur laquelle nous ne savons presque rien, est le tigre de la Caspienne (Panthera tigris virgata). Il a en effet été reconnu comme une sous-espèce en 1981, soit une dizaine d’années après sa disparition. La principale cause de son extinction fut la chasse, mais la chasse de ses proies fut d’autant plus dure pour sa survie. Pour entrer dans les détails, sa chute à été précipitée lorsqu’à la fin du 19ème siècle, le gouvernement occidental ordonna à l’armée de chasser le tigre pour inciter les habitants à s’installer dans les colonies. C’est alors que, depuis les années 1970, aucun autre tigre de la Caspienne ne fut observé. Mais l’espèce fût déclarée totalement éteinte par l’UICN seulement en 2003. A noter : avec le tigre du Bengale, le tigre de la Caspienne fut la sous-espèce privilégiée par les Romains pour peupler leurs arènes, surtout à cause de la proximité de leurs pays d’origine avec l’empire romain.
Pour finir, parlons de la disparition du tigre de Java (Panthera tigris sondaica) en 1979. A la différence de son cousin le tigre de Bali, le tigre de Java s’est vu dépossédé de son territoire au profit de la création de rizières, de forêts d’hévéas, de teck et/ou de café. Bien sûr, et malheureusement pour lui, la chasse à contribué à son extinction, mais ce n’était pas sa principale menace. Endémique de l’Île de Java, le dernier spécimen sauvage est décrit en 1976 et son extinction prononcée la même année par l’UICN.
Notons que sont ici décrites les différentes espèces de tigres n’ayant pas survécues à l’activité humaine, mais il est très important de préciser qu’ils ne sont pas les seuls à en pâtir. Reprenons l’exemple du tigre de Java ci-dessus : l’habitat se réduisant, c’est le territoire de ce tigre, mais aussi celui de ses proies comme le cerf rusa (Rusa timorensis) ou encore le rhinocéros de Java (Rhinoceros sondaicus), dont il ne resterait seulement que 18 individus sauvages, qui disparaissent. Lorsque l’Homme s’implante dans une nouvelle zone, modifiant ou détruisant un habitat, ce n’est pas qu’une seule espèce qui est menacée, c’est tout un écosystème.

Tigre de la Caspienne (Panthera tigris virgata) au Zoo de Berlin, 1899
Vous avez dit « médecine traditionnelle » ?
Vieille de plus de 3 000 ans, la médecine traditionnelle asiatique se base presque uniquement sur l’utilisation de parties animales et de plantes. Scientifiquement parlant, aucun effet bénéfique n’a encore été observé, néanmoins cette tradition est encore très présente sur tout l’Asie. On pourrait la comparer à nos « remèdes de grand-mère ».
A titre d’exemple, les griffes et les dents de tigres seraient un remède à l’insomnie, tandis que les yeux réduiraient la fréquence des crises épileptiques. On parle également de produits aphrodisiaques, voire anti cancéreux.
Bien que le commerce mondial d’espèces menacées (faune et flore comprises) ait été réglementé en 1977, et celui du tigre ou autres espèces en grand danger d’extinction totalement interdit, le marché noir reste lui florissant. En bas de cette machinerie, on retrouve les braconniers, qui vont agir en première ligne pour capturer ou abattre les animaux des espèces concernées. Ensuite, l’animal entier ou des parties distinctes seront revendues au plus offrant sur le marché noir, qui divisera les apports entre la création de trophées, la vente d’individus destinés à la domestication (ou l’ornement), et la médecine. Pour le tigre, c’est le plus gros danger pour les populations sauvages, avec la déforestation.
Mais attention: le baume du tigre, malgré son nom, n’a absolument rien à voir ! Principalement composé d’huiles essentielles (clou de girofle, eucalyptus, cajeput, etc), il est vraisemblablement efficace contre la toux, le rhume ou encore les piqûres d’insectes. Il ne tient du tigre que son nom !

Tigre de bali (Panthera tigris balica) abbatu à Gunung Gondol en 1911
Y a-t-il un réel impact lié à la disparition de ces tigres ?
Chaque espèce actuellement existante, découverte par l’Homme ou non, a évidemment un rôle précis. Les tigres, classés comme « super-prédateurs » ne servent pas initialement à orner les salons des plus riches, mais bien à réguler les populations de proies qui se reproduisent très vite et qui, elles-mêmes, régulent et régénèrent les forêts dans lesquelles elles vivent en mangeant certaines plantes, et en dispersant leurs graines ailleurs via leurs excréments. Ce fragile équilibre assure un renouvellement permanent de cette biodiversité, et ainsi maintient sa stabilité. Si l’on enlève une pièce de la pyramide, que ce soit le tigre ou le plus petit des rats des moissons, elle s’effondre.
Références:
Comments