Loutre géante (Ptenorura brasiliensis) ©Michael Eisen
La plus grande espèces de loutres
Parmi les 13 espèces de loutres, la loutre géante (Ptenorura brasiliensis) est la plus grande et la plus imposante. En effet, le mâle peut atteindre jusqu’à 1,8 m de long et 33 kg et 1,7 m de long pour 29 kg pour la femelle. Cette espèce d’Amérique du Sud est facilement reconnaissable par sa taille, sa marque blanche plus ou moins développée au niveau du cou et par sa queue plate, synonyme de puissance. Elle est surnommée “loup des fleuves” en Amérique latine ou encore “tigre de l’eau” en Guyane.
Pendant un temps, certains auteurs avaient émis l’hypothèse de l’existence de 2 sous-espèces. En 2017, une étude la réfute et cela a toute son importance dans le cadre de projet de réintroduction et de translocalisation. Il s’agirait en réalité de 4 lignées différentes mais avec peu de variations génétiques.
En vert, l’aire de répartition actuelle de la loutre géante ©UICN
Une loutre sociable
Certaines espèces de loutres sont solitaires comme la loutre européenne (Lutra lutra). La loutre géante tout comme la loutre cendrée (Aonyx cinereus) est plus sociable. Elle vit en groupes familiaux de 2 à 15 individus. Le groupe se compose d’un couple monogame. Lui seul peut se reproduire. Il est accompagné par ses descendants.
La loutre géante vit dans les cours d’eau, les rivières et les lacs. Son territoire est d’environ 12 km. Elle a besoin de berges végétalisées aux pentes douces afin de créer son refuge. Sa construction se fait en plusieurs étapes : pour commencer le groupe piétine la végétation basse puis il collecte branches et feuilles afin de les encastrer dans la boue piétinée. Plusieurs terriers peuvent être construits, c’est là qu’a lieu la mise bas. Des latrines (1 à 5) sont établies autour du refuge. Les loutres marquent leur territoire à l’aide de leur glande anale et le défende en cas d’intrusion. Les activités sociales au sein du groupe sont nombreuses comme le toilettage, le repos, la communication ou encore la chasse.
Groupe de loutres géantes ©Thomas Galewski
Un superprédateur
La loutre géante est principalement piscivore. Elle se nourrit de poissons-chats, de perches et de poissons de la famille des characidés. Lorsque la nourriture manque, elle complète son alimentation par des crustacés, des rongeurs, des oiseaux, des petits serpents ou encore des petits caïmans. Les pêches en eaux peu profondes sont solitaires alors que les pêches en eaux profondes se font en groupe. Les grosses proies sont emmenées sur la terre ferme pour être consommées. La loutre géante consomme entre 2 et 3 kg de poissons par jour.
Bien qu’elle ait peu de prédateurs, le puma (Puma concolor) et le jaguar (Panthera onca) peuvent parfois s’attaquer aux loutres.
Une espèce menacée par les activités humaines
Les populations de loutres géantes ont baissé dangereusement depuis quelques décennies. En Guyane, l’espèce est menacée par l'orpaillage. Le rejet de mercure dans l’eau contamine les poissons et impacte la loutre qui est en haut de la chaîne alimentaire. De grandes quantités de terre sont également déversée dans les eaux, ce qui les rend troubles et complique la pêche qui se fait principalement à vue.
La surpêche diminue les stocks de poissons et les loutres ont moins à manger. Avec le développement de la pisciculture, les représailles contre le mustélidé ne sont pas rares, notamment au Brésil ou en Equateur. L’espèce est diurne et bruyante, ce qui la rend vulnérable. De surcroît, les loutres peuvent se noyer dans les filets de pêches, appâtées par les poissons.
Dans les années 1960, la loutre géante était chassée pour sa peau douce et soyeuse. Ainsi entre 1960 et 1967, plus de 40 000 peaux sont exportées du Brésil. Heureusement, depuis 1973, l’espèce est protégée et classée à l’Annexe I de la CITES. Toutefois, la loutre est toujours chassée illégalement pour sa peau et sa viande qui est consommée par les populations locales. Certains loutrons sont également capturés et utilisés comme animaux de compagnie.
Autre menace, la perte de son habitat. Que ce soit par les activités humaines ou par les incendies. Le Pantanal, célèbre hotspot brésilien a vu 1,5 million d’hectares partir en fumée entre août et novembre 2019 et le cas n’est pas isolé.
Avec toutes ces menaces qui pèsent sur la loutre géante, l’espèce est classée “en danger “ par l’UICN et même “en danger critique d’extinction” en Equateur et au Paraguay.
A la reconquête de l’Argentine pour entretenir l’espoir
La loutre géante était considérée comme éteinte en Argentine et en Uruguay. Depuis quelques années, un important projet de restauration a lieu dans la réserve argentine d’Ibera (1,3 million d’hectares). Plusieurs espèces phares sont ainsi réhabilitées par l’ONG Rewilding Argentina et le Conservation Land Trust. Le fourmilier géant (Myrmecophaga tridactyla) en 2006, le cerf des pampas (Ozotoceros bezoarticus) en 2009, l’ara chloroptère (Ara chloropterus) et le pécari à collier (Pecari tajacu) en 2015 puis le tapir terrestre (Tapirus terrestris). Un centre d’élevage pour le jaguar à des fins de réintroduction a également vu le jour.
Entre 2019 et 2022, 2 couples de loutres géantes provenant de programmes d’élevage des zoos européens et américains sont réhabilités. Petit événement, 3 petits sont nés en mai 2021. Après cette phase, des loutres sauvages venant de zones où l’espèce a atteint son seuil maximal notamment au Pantanal devraient être translocalisées à Ibera.
Une bonne nouvelle n’arrive jamais seule. Ainsi en mai 2021, un kayakiste observe un mâle dans le Parc El Impenetrable. Pour rappel l'espèce était considérée comme éteinte en Argentine. Avec cette découverte, Rewilding Argentina a construit un enclos à proximité et travaille à la réhabilitation d’une femelle. Affaire à suivre.
Références :
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